- RAYONS GAMMA COSMIQUES
- RAYONS GAMMA COSMIQUESLes rayons gamma cosmiques, photons les plus énergétiques du rayonnement électromagnétique, signent les événements les plus violents de l’Univers. Bloqués par les hautes couches de l’atmosphère terrestre, ils sont détectés presque exclusivement à bord de véhicules spatiaux. L’astronomie des rayons gamma couvre un immense domaine spectral qui s’étend de 0,05 MeV (mégaélectronvolt) – frontière arbitraire entre l’énergie des photons X et gamma – jusqu’à 109 MeV, limite purement expérimentale tenant à l’extrême rareté des photons gamma d’ultra-haute énergie.L’astronomie des rayons gamma de basse énergie (moins de quelques mégaélectronvolts) porte sur les processus émissifs actifs dans les milieux denses, comme les plasmas concentrés au voisinage des étoiles à neutrons et des trous noirs. Elle concerne aussi les sites cosmiques où des photons gamma mono-énergétiques sont produits soit par désexcitation de noyaux atomiques (les raies nucléaires), soit par annihilation des positons (la raie à 0,511 MeV). L’astronomie gamma à plus haute énergie étudie les phénomènes qui mettent en jeu les particules relativistes accélérées à proximité de certaines étoiles à neutrons, dans les puissants jets issus des noyaux actifs de galaxie comme dans tout le milieu interstellaire. Les astronomes comptent aussi sur le pouvoir de pénétration des rayons gamma pour sonder les régions du ciel masquées à d’autres longueurs d’onde, comme le centre de notre Galaxie. À noter également l’aptitude de l’astronomie gamma à recueillir des informations sur les premiers temps de l’Univers, dans la mesure où le cosmos s’avère particulièrement transparent au rayonnement gamma (à l’exception du domaine des ultra-hautes énergies).En raison de sa longueur d’onde très inférieure aux distances interatomiques, il n’est pas possible de concentrer le rayonnement gamma avec des miroirs, une pratique en usage dans tous les autres domaines spectraux pour accroître la surface collectrice. Opérer dans l’espace expose en outre les détecteurs aux rayons cosmiques, qui y suscitent l’émission de photons gamma parasites limitant sévèrement la sensibilité des observations. La découverte d’astres actifs dans le registre gamma exige de très longs temps de pose, d’autant plus qu’à puissance rayonnée égale les sources gamma cosmiques émettent beaucoup moins de photons puisque chacun d’eux emporte une plus grande quantité d’énergie. Ces contraintes expliquent l’essor tardif de l’astronomie gamma: les premiers résultats significatifs n’ont été obtenus qu’à partir de 1968, et l’exploration approfondie du ciel gamma ne débuta qu’à partir de l’ultime décennie du XXe siècle avec le télescope français S.I.G.M.A. (Système d’imagerie gamma à masque aléatoire) mis en service en 1990 à bord du satellite russe Granat, et les imposants détecteurs de l’observatoire américain à rayons gamma Compton (initialement appelé G.R.O., pour Gamma Ray Observatory), mis en orbite en 1991.Les techniques d’observation des rayons gamma cosmiquesLa détection des rayons gamma cosmiques passe par leur interaction avec les atomes du milieu détecteur. Un photon gamma de très basse énergie (moins de 0,2 MeV) y est le plus souvent absorbé (effet photoélectrique ), avec émission d’un électron emportant l’essentiel de son énergie. Un photon un peu plus énergétique (de 0,2 à 5 MeV) est plutôt diffusé, avec changement d’énergie (effet Compton ) et apparition d’un électron de recul. Un photon encore plus énergétique (plus de 5 MeV) passant au voisinage d’un noyau atomique est conduit à se «matérialiser» en un couple électron-positon (effet de paire ) emportant l’essentiel de son énergie. Les électrons produits lors de l’une ou l’autre de ces trois interactions provoquent, dans certains milieux scintillants, un cristal d’iodure de sodium (NaI) par exemple, de brèves bouffées de lumière recueillies par un photomultiplicateur couplé au cristal. Ce type de détecteur d’une grande simplicité offre toutefois une résolution spectrale assez médiocre (5 p. 100 à 1 MeV). Les milieux semi-conducteurs constituent une alternative attrayante: les électrons résultant de l’interaction des photons gamma y créent quantité de paires électrons-trous que collecte un champ électrique appliqué au travers du détecteur. Les détecteurs au germanium (Ge) manifestent ainsi une excellente résolution en énergie (0,3 p. 100 à 1 MeV) au prix d’un fort refroidissement (80 K) qui en complique la mise en œuvre dans l’espace.Le moyen le plus simple pour déterminer la direction d’origine des photons consiste à canaliser le rayonnement incident au moyen d’un collimateur apte à restreindre à volonté le champ de vue du détecteur. Une source est alors détectée en comparant l’observation du champ supposé la contenir et celle d’un champ voisin supposé vide. Le principal défaut de cette technique est sa résolution angulaire médiocre (quelques degrés), qui constitue un obstacle à l’identification des sources. Elle reste pourtant largement pratiquée, car elle permet la réalisation d’appareils de grandes dimensions, comme O.S.S.E. (Oriented Scintillation Spectrometer Experiment) sur Compton. Observer avec une meilleure résolution angulaire impose le recours à des techniques d’imagerie fondées sur des assemblages d’éléments opaques et transparents qui modulent le rayonnement reçu par le détecteur. Avec son masque à ouverture codée, le télescope S.I.G.M.A. affiche ainsi une précision de localisation des sources pouvant atteindre 30 secondes d’angle, une première dans sa gamme d’énergie (de 0,03 à 1,3 MeV).Exception faite de l’absorption photoélectrique, l’examen précis des particules émises au cours des deux autres interactions permet également d’estimer la direction d’arrivée des photons. L’expérience Comptel (Compton Telescope) sur Compton tire parti des propriétés de la diffusion Compton pour localiser les sources gamma cosmiques dans la gamme de 0,7 à 30 mégaélectronvolts avec une résolution angulaire de 3 à 5 degrés. Les détecteurs opérant dans le domaine des hautes énergies utilisent des dispositifs aptes à «visualiser» la paire électron-positon pour estimer la direction du photon incident. L’expérience E.G.R.E.T. (Energetic Gamma Ray Experiment Telescope) sur Compton mesure ainsi la direction d’arrivée de chaque photon avec une précision d’environ 1 degré entre 20 et 30 000 mégaélectronvolts, ce qui lui confère la capacité de localiser les sources les plus brillantes avec une précision de l’ordre de 5 à 10 minutes d’angle. Les rayons gamma cosmiques de très haute énergie (plus de quelques centaines de milliers de mégaélectronvolts) sont repérés quand ils interagissent avec les hautes couches de l’atmosphère. Ils y engendrent un faisceau de particules secondaires relativistes, dont la propagation produit un pinceau de rayonnement visible de nature Tcherenkov, détectable au sol par des miroirs paraboliques. L’étude détaillée du pinceau Tcherenkov permet de reconstituer la direction d’arrivée des photons de très haute énergie avec une précision d’environ 1 degré. De tels dispositifs sont en service en différents points du globe terrestre, les plus performants étant le Fred Lawrence Whipple Observatory, en Arizona, et le télescope français C.A.T., qui opère sur le site de l’ex-centrale solaire Thémis, dans les Pyrénées-Orientales.L’observation simultanée de toute la voûte céleste, requise pour localiser les phénomènes transitoires foisonnant dans le domaine gamma, est pratiquée au moyen de détecteurs à très grand champ placés à bord de plusieurs véhicules spatiaux suffisamment éloignés les uns des autres. La source d’un événement transitoire est localisée avec une précision qui peut atteindre quelques minutes d’angle en tirant parti du décalage entre les temps d’arrivée des rayons gamma sur chacun des détecteurs. La direction d’une source transitoire peut être également déterminée avec une précision de quelques degrés en comparant l’amplitude des signaux enregistrés par plusieurs détecteurs montés sur un même véhicule spatial, une méthode que met en œuvre l’expérience B.A.T.S.E. (Burst and Transient Source Experiment) à bord de Compton. Localiser les sources transitoires actives au delà de 0,05 MeV avec une précision de quelques minutes d’angle est désormais envisageable avec les dispositifs à ouverture codée à grand champ embarqués à bord du satellite italien Beppo S.A.X. (Satellite per Astronomia X «Beppo», ainsi baptisé en l’honneur du physicien italien Giuseppe «Beppo» Occhialini), lancé en 1996.Les sources de rayons gamma cosmiques associées aux étoilesLe Soleil rayonne en période d’éruption une composante continue (parfois observée jusqu’à 100 MeV et plus) due à l’interaction des particules accélérées lors de l’éruption. On détecte également lors de certains événements une série de raies gamma. Les plus intenses sont les raies de désexcitation nucléaire à 4,44 et 6,13 MeV résultant des diffusions inélastiques des protons accélérés sur des noyaux de carbone et d’oxygène, la raie à 2,22 MeV attribuée au processus de capture d’un neutron par un proton, et la raie à 0,511 MeV résultant de l’annihilation des positons. Les autres émissions gamma stellaires répertoriées concernent les étoiles massives dans leurs stades ultimes d’évolution, à commencer par les explosions de supernovae aptes à synthétiser maints isotopes radioactifs. Le plus commun dans les mois qui suivent l’événement est l’isotope du cobalt 56Co, dont la durée de vie est d’environ cent quatorze jours. L’émission continue découverte entre 0,02 et 0,2 MeV par le spectromètre allemand H.E.X.E. (High Energy X-Ray Experiment) sur la station spatiale Mir (alors soviétique), six mois après l’explosion de SN 1987A, la supernova apparue le 24 février 1987 à 135 000 années-lumière du Soleil dans le Grand Nuage de Magellan, fut ainsi attribuée à la diffusion Compton de photons gamma produits par la décroissance 56Co56Fe et diffusés par la matière en expansion rapide éjectée lors de l’explosion. La transparence de l’enveloppe augmentant, les raies gamma correspondantes (à 0,847 et 1,24 MeV) furent identifiées par le spectromètre du satellite américain S.M.M. (Solar Maximum Mission) et par des semi-conducteurs au germanium portés par des ballons stratosphériques, apportant ainsi la confirmation historique des théories sur les supernovae.L’aptitude des étoiles à neutrons à accélérer des électrons relativistes, attestée dès la découverte des pulsars radio en 1967, fut confirmée dans les années suivantes par la mise en évidence de l’émission gamma de deux pulsars: PSR 0531 + 21 (le pulsar du Crabe) et PSR 0833 — 45. Le spectre en énergie de PSR 0531 + 21 présente, de 0,05 à 10 000 mégaélectronvolts, l’allure typique d’un rayonnement de nature synchrotron résultant de l’interaction des électrons relativistes avec le champ magnétique intense (de l’ordre de 1012 T) qui règne à proximité d’une étoile à neutrons. PSR 0833 — 45 présente en revanche un spectre s’infléchissant au-dessous de 50 mégaélectronvolts, ce qui le rend difficilement détectable à plus basse énergie. Il faudra une vingtaine d’années pour que la liste des pulsars gamma s’allonge de quatre nouvelles unités (fig. 1). PSR 1055 — 52 et PSR 1706 — 44 furent identifiés à haute énergie par E.G.R.E.T., tandis que PSR 1509 — 58 était identifié à basse énergie (moins de 2 MeV) par B.A.T.S.E. Le dernier en date n’est autre que Geminga (Gemini Gamma), la source gamma dans la constellation des Gémeaux. Plus brillante que le pulsar du Crabe au-delà de 100 mégaélectronvolts, Geminga fut découverte dès 1972 par le satellite américain S.A.S.-II, puis examinée de 1975 à 1982 par le satellite européen Cos-B. Sans contrepartie attestée dans le domaine radio, Geminga fut identifiée avec une étoile à neutrons en rotation rapide grâce à une observation pratiquée en 1992 dans la bande des rayons X. La détection de Geminga dans le domaine visible a débouché sur la mise en évidence de son mouvement propre et de sa parallaxe annuelle. La mesure de cette dernière, obtenue avec le télescope spatial Hubble, a permis de préciser que Geminga se trouve actuellement à environ 450 années-lumière du Soleil.Quand l’étoile massive fait partie d’un système binaire, son résidu compact après l’explosion de la supernova (étoile à neutrons ou trou noir stellaire) est parfois conduit à exercer une grande attraction sur les couches externes de son compagnon. Une couronne massive de plasma, le disque d’accrétion, se forme alors autour de l’astre compact. Porté à haute température par des phénomènes de friction, le disque d’accrétion peut être refroidi par la diffusion Compton du rayonnement thermique émis par l’astre central; sa température est alors insuffisante pour rayonner dans le domaine gamma. Si, toutefois, l’étoile à neutrons est dotée d’un champ magnétique intense, ce dernier canalise et comprime la matière chutant sur l’étoile, au point de susciter une émission thermique décelable dans le registre gamma. Le milieu émissif se situant à l’un des pôles magnétiques d’un astre en rotation rapide, on observe une variation périodique de l’émission justifiant le nom de pulsar accrétant attribué à ce type de source. Le spectre en énergie du disque ne se prolonge très largement dans le domaine gamma que si l’astre compact est un trou noir qui ne libère donc aucun rayonnement apte à refroidir le disque d’accrétion. Une dizaine de candidats trous noirs, dont plusieurs sources transitoires (les novae à rayons X durs et gamma), ont été ainsi découverts par S.I.G.M.A. sur la seule base d’une émission gamma abondante au-delà de 0,1 MeV. Trois candidats trous noirs ont été repérés dans la direction des régions centrales de la Galaxie (fig. 2), dont 1E 740.7 — 2942, la source située à moins d’un degré du centre dynamique de la Galaxie, et qui fut le siège d’émissions sporadiques entre 0,3 et 0,6 MeV probablement reliées à des annihilations de positons. Des observations radio de 1E 1740.7 — 2942 et de deux autres candidats trous noirs suggèrent également que les disques d’accrétion qui ceinturent les trous noirs sont susceptibles d’engendrer de puissants jets bipolaires de particules relativistes. À noter que l’absence d’une source de rayons gamma de basse énergie au centre dynamique de la Galaxie signifie que l’éventuel trou noir très massif qui résiderait au cœur du noyau galactique serait singulièrement inactif.Les sources diffuses de rayons gamma cosmiquesProlongeant la découverte, en 1968, de l’émission gamma galactique par le satellite américain O.S.O.-III, les balayages systématiques du ciel entrepris, de 1975 à 1982, avec le satellite européen Cos-B et, à partir de 1991, par Comptel et E.G.R.E.T. ont permis de tracer les contours d’une forte émission gamma concentrée le long de la Voie lactée. Cette émission provient en grande partie de l’interaction des rayons cosmiques avec les noyaux atomiques du gaz interstellaire, que ce soit par freinage des électrons relativistes (Bremsstrahlung ), ou par collision des protons et noyaux du rayonnement cosmique d’où surgit un cortège de particules instables dont le pion neutre 神0, qui se désintègre rapidement en deux photons gamma. Au contraire du rayonnement gamma d’origine 神0, qui se concentre à haute énergie et dont le spectre présente un maximum vers 70 mégaélectronvolts, le rayonnement Bremsstrahlung s’étend jusqu’aux basses énergies. On explique ainsi la corrélation d’ensemble de l’émission gamma galactique avec la structure à grande échelle de la Galaxie, ainsi que l’émission gamma du milieu interstellaire local détectée à moyenne latitude galactique, dans les constellations de Céphée, du Taureau, d’Orion et du Serpentaire. La détection d’une émission gamma diffuse au-delà de 100 mégaélectronvolts associée au Grand Nuage de Magellan confirme que des mécanismes émissifs similaires sont à l’œuvre en dehors de notre propre Galaxie.L’observatoire Compton a également identifié dans la Voie lactée des émissions gamma monochromatiques à 0,511 et 1,81 MeV de nature diffuse. L’émission à 0,511 MeV observée dans les régions centrales de la Galaxie y signe l’annihilation de positons pouvant être issus d’éléments radioactifs injectés dans le milieu interstellaire par des sites de nucléosynthèse (étoiles géantes rouges, étoiles de Wolf-Rayet, novae et supernovae). La détection dans la Voie lactée d’une émission à 1,81 MeV provenant de la décroissance de l’isotope 26Al de l’aluminium, dont la durée de vie est inférieure à un million d’années, témoigne de l’activité des processus de nucléosynthèse au sein de la Galaxie.Les sources extragalactiques de rayons gamma cosmiquesIl est aujourd’hui admis que l’énergie gravitationnelle récupérée par accrétion au voisinage d’un trou noir supermassif, dont la masse vaut de un million à un milliard de fois celle du Soleil, suscite la plupart des phénomènes observés au sein des galaxies actives de tous types et des quasars, comme les puissants jets de matière qui s’échappent du noyau central. Les observations gamma sont particulièrement aptes à pénétrer au cœur même de la centrale d’énergie qui anime ces astres, parmi les plus brillants de l’Univers, regroupés sous le sigle A.G.N. (Active Galactic Nuclei). Si l’on excepte le quasar 3C 273, les A.G.N. émetteurs gamma se scindent en deux classes distinctes. Un groupe comprend surtout des galaxies de Seyfert, rayonnant presque exclusivement à basse énergie (moins de 1 MeV) comme en témoignent les observations pratiquées par S.I.G.M.A. et O.S.S.E. Leur émission gamma est le fait de processus de même type que ceux qui sont actifs dans les disques d’accrétion qui ceinturent les trous noirs stellaires de la Galaxie. Une tout autre situation prévaut dans le groupe des nombreux A.G.N. détectés au-delà de 100 mégaélectronvolts avec E.G.R.E.T. (plus d’une cinquantaine connus à la fin de 1996). Plusieurs d’entre eux furent détectés au delà de quelques centaines de milliers de mégaélectronvolts, comme Markarian 421 avec Whipple et Markarian 501 avec C.A.T. Des particules relativistes transportées par les jets de matière issus du noyau central seraient à l’origine des émissions observées à haute énergie. L’appartenance d’un A.G.N. à l’un ou l’autre groupe serait alors fonction de l’angle entre les jets et la ligne de visée: seuls ceux dont les jets sont émis en notre direction seraient susceptibles d’être détectés à haute énergie.Le rayonnement gamma du fond du ciel est une émission d’apparence diffuse, observée jusqu’à quelques dizaines de mégaélectronvolts, et dont l’anisotropie est considérée comme la preuve d’une origine extragalactique. Au début des années 1970, on crut discerner dans son spectre en énergie un excès d’émission connu sous le nom de «bosse au mégaélectronvolt». Cette structure spectrale fut alors interprétée en termes de processus d’annihilation proton-antiproton actifs à l’interface entre des zones de l’Univers constituées de matière et des zones constituées d’antimatière. Mais les développements ultérieurs des théories sur l’origine de l’Univers contribuèrent à rendre caduc le postulat de départ en favorisant l’hypothèse d’un Univers constitué exclusivement de matière. Il est aujourd’hui admis que la bosse au mégaélectronvolt ne fut qu’un artefact résultant d’une mauvaise estimation du bruit de fond des appareils, un point de vue que confirment les données de Comptel. Quant au rayonnement gamma du fond du ciel, on le considère désormais comme la somme des émissions d’un grand nombre de sources discrètes réparties dans tout l’Univers, les A.G.N. par exemple. En spéculant sur leur nombre et leur évolution, on peut effectivement expliquer tout à la fois l’intensité de l’émission de fond de ciel et ses caractéristiques spectrales.Les sources de sursauts de rayons gamma cosmiquesUne équipe américaine révélait, en 1973, que plusieurs satellites militaires de la série Vela, lancés par les États-Unis pour contrôler le respect du traité sur l’interdiction des essais nucléaires dans l’atmosphère, avaient enregistré à maintes reprises l’arrivée d’un flux soudain de photons gamma d’origine extraterrestre. Ces événements, baptisés sursauts gamma, sont caractérisés par la très brève durée de leur phase d’activité (de quelques millisecondes à 30 secondes) durant laquelle des flux intenses de rayonnement gamma (jusqu’à 10–8 W . m–2) sont recueillis par les détecteurs spatiaux. Les sursauts gamma sont repérés le plus souvent entre 0,05 et 2 mégaélectronvolts, les spectres de certains sursauts s’étendant parfois à plus haute énergie, comme celui du 3 mai 1991, détecté jusqu’à 200 mégaélectronvolts par E.G.R.E.T. L’allure des spectres suggère fortement que des mécanismes non thermiques sont à l’origine des émissions observées. La répartition sur la voûte céleste des sursauteurs gamma (les sites émetteurs de sursauts gamma) ne présente aucune anisotropie apparente (fig. 3), tandis que leur densité dans l’Univers ne semble uniforme que jusqu’à une certaine distance du Soleil. Il s’agit là d’un des résultats les plus inattendus de l’étude des sursauts gamma entreprise par B.A.T.S.E. Il semble ainsi totalement exclu qu’une quelconque population d’astres répartis dans tout le disque de notre Galaxie soit le site des sursauts gamma détectés par B.A.T.S.E. Au delà de la simple constatation, fondée sur l’extrême brièveté des sursauts gamma, que ces événements ont pour théâtre un type d’astre ultra compact, l’étude des sites émissifs passe par leur identification avec un astre connu à d’autres longueurs d’onde, une entreprise difficile en raison de la médiocre estimation de la direction d’origine des sursauts. Le cas de l’intense événement du 5 mars 1979 fait exception si l’on accrédite son identification avec le reste d’une supernova localisé dans le Grand Nuage de Magellan, mais il s’agit sans doute là d’un autre type de sursauteurs gamma, de nature répétitive, actifs uniquement à très basse énergie, et dont on connaît deux autres spécimens. Il a fallu attendre la mise en service des dispositifs à grand champ de Beppo S.A.X. pour mesurer la direction d’origine d’un sursaut gamma (celui du 28 février 1997) avec une précision suffisante pour découvrir sa contrepartie dans le domaine visible, une étape décisive pour déterminer la nature des sursauteurs gamma.L’astronomie gamma du futurMotivé par l’impressionnante série de résultats scientifiques collectés depuis le début des années 1990, l’Agence spatiale européenne a décidé en juin 1993 de réaliser dans le cadre de son programme scientifique à long terme la mission Integral (International Gamma-Ray Astrophysics Laboratory), dont l’objectif est l’exploration approfondie des sites célestes actifs dans la bande des rayons gamma de basse énergie. Le satellite, dont le lancement doit intervenir au début des années 2000, emportera des appareils fonctionnant sur le principe des ouvertures codées dont S.I.G.M.A. a démontré l’aptitude à produire des images gamma du ciel d’une finesse inégalée. La mission est fondée sur la mise en œuvre simultanée de deux instruments dotés de plans détecteurs à semi 漣conducteurs pour obtenir une meilleure résolution spectrale tout en conservant une bonne résolution angulaire: le télescope I.B.I.S. (Imager on Board the Integral Satellite), fournira des images à haute résolution angulaire de 0,02 à 5 mégaélectronvolts, tandis que le spectromètre Spi (Spectrometer for Integral) sera chargé de la spectroscopie à très haute résolution des sources actives de 0,015 à 8 mégaélectronvolts.
Encyclopédie Universelle. 2012.